Bienveillance, ce mot qui nous agace !
Avant toute chose un petit point sur la définition et l’étymologie du mot bienveillance. Je trouve toujours fascinant la portée des mots surtout lorsqu’on sait d’où ils viennent.
Alors que veut dire la bienveillance ?
D’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), étymologiquement le terme bienveillance s’inspire du latin benevolentia. Si l’on remonte à un siècle avant J.C (à l’époque de Cicéron), benevolantia décrivait : « Une disposition favorable à l’égard de quelqu’un » (cf : www.dicolatin.com).
Définition reprise et partagée par le dictionnaire LeRobert en ligne : « Disposition favorable à l’égard de quelqu’un. » et un peu plus enrichie par le dictionnaire Larousse en ligne : « Disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui ».
On peut constater que ce terme de bienveillance porte des valeurs tournées vers le positivisme, l’altruisme, la compréhension, la disposition favorable…en gros quelque chose de bien et de bon !
Mais alors comment on est-on arrivé à fuir, détester ce mot ? Alors qu’il part d’une si belle intention ?
Un mot tellement galvaudé
Je vous invite à écouter, l’épisode 9/23 du podcast sur radiofrance de la série anti-manuel de philosophie (4min) dont vous trouverez le lien en bas de l’article « Pour aller plus loin ».
Géraldine Mosna-Savoye la productrice de ce podcast, cite un des exemples qui pour moi contribue à galvauder la bienveillance : un extrait d’une interview d’Emmanuel Macron qui dit croire en la bienveillance politique. Elle souligne le fait que : « C’est le premier à l’avoir fait entrer [la bienveillance] dans l’espace public et à la populariser, comme disposition pas seulement interindividuelle mais politique. »
Il n’y a rien de mal à vouloir croire en la bienveillance politique et de l’exprimer haut et fort mais que reste-t-il de cette croyance lorsqu’on voit ces mêmes élus se parler avec condescendance, mépris, vulgarité, humiliation ? Il suffit de regarder des extraits de l’assemblée nationale pour se rendre compte que la bienveillance n’est pas à son RDV.
Je peux également citer un autre exemple, la bienveillance proclamée par l’éducation nationale qui cite dans son BO du 25 septembre 2014 : « La réussite éducative promeut également une approche globale de l’enfant dans le cadre d’une École exigeante et bienveillante. »
Mais que reste-t-il de cette bienveillance lorsque le nombre de poste d’enseignants se réduisent de plus en plus, que les remplaçants sont de plus en plus rares, que le nombre d’élèves en classe dépasse les 30, que le harcèlement sévit rudement… ?
Certes la problématique est complexe et multifactorielle, cependant le discours du ministère de l’EN met en avance cette fameuse bienveillance … et pourtant le malaise, le stress, la peur, la tristesse, la colère se font bien ressentir dans l’enceinte d’une école.
Et en entreprise alors ? Lorsqu’on entend parler de RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) de QVT (Qualité de Vie au Travail) et donc de bienveillance…on se dit chouette c’est bien les choses changent, évoluent vers du mieux-être au travail, une meilleure reconnaissance…
Mais que reste-t-il de cette bienveillance en entreprise lorsqu’on voit le chiffre des burn-out, des démissions, d’arrêts maladies exploser ?
D’après le site culture-rh.com (cf Pour aller plus loin), 2.5millions de salariés sont en burn-out sévères, soit 34% des salariés ! Les professionnels des ressources humaines ne sont pas épargnés ils sont sur le front, à accompagner les salarié-e-s en souffrance. Iels sont également fortement touché-e-s, 64% sont en détresse psychologique !
Personnellement je comprends mieux pourquoi ce terme bienveillance est si peu reluisant. On l’utilise à toute les sauces pour nous faire croire qu’il y a une volonté de remettre du bon, du bien, de la sécurité affective…partout… que ça soit dans notre vie professionnelle, que personnelle. Et pourtant on peut entendre nombre de personnes se plaindre de leur conditions, de leur souffrance, de leur mal-être !
« Alors oui ce mot nous sort par les yeux, nous donne la nausée parce qu’au final il est mal-exploité, il est complètement dévalorisé, limite bafoué ! »
La bienveillance l’incarnation de l’humanisme
Personnellement je crois en la bienveillance et je dirai même qu’elle est pour moi l’incarnation de l’humanisme !
Si on prend la définition de l’humanisme dans le Robert dictionnaire en ligne, on peut voir que « d’un point de vue philosophique, l’humanisme est une théorie, doctrine qui place la personne humaine et son épanouissement au-dessus de toutes les autres valeurs ».
Une personne épanouie est alignée avec ses convictions, valeurs, idéaux…elle chemine dans sa vie avec ce sentiment de confiance sur ce qu’elle entreprend. Prendre soin de l’épanouissement de quelqu’un, c’est l’aider à s’accomplir, c’est aimer l’humain, c’est aimer la vie, c’est pratiquer la bienveillance.
N’est-ce pas ce dont tout être humain aspire ? L’épanouissement ?
La bienveillance dans mon accompagnement en coaching
Alors au risque d’irriter quelques personnes, j’aime et je pratique la bienveillance dans mon accompagnement en coaching ! Mais comment je mets en pratique cette bienveillance dans mon accompagnement ?
Quand une personne me contacte pour du coaching, c’est parce qu’elle ressent le besoin d’apprendre sur elle-même, sur son mode de fonctionnement, d’y voir plus clair…dans le but de changer ce qui dysfonctionne pour aller vers du mieux-être, une meilleure efficacité, atteindre un objectif…
Cet apprentissage ne peut se faire que si cette personne se sent en sécurité affective et d’apprentissage. Cela veut dire qu’elle ne se sent pas jugée, pas influencée, en confiance et totalement dans la confidentialité.
« Pratiquer la bienveillance c’est veiller à ce que la personne soit alignée avec elle-même, qu’elle ne s’égare pas entre ses croyances limitantes, ses peurs qui faussent sa route et détournent ses actions. »
Pour cela il m’arrive d’être dans la confrontation !
Être dans la confrontation cela ne veut pas dire, être contre la personne, la repousser dans ces retranchements ou être malveillant. Au contraire cela consiste à mettre en lumière ses comportements inefficaces et incohérents dans l’objectif de la faire progresser…

confrontation
J’agis comme un miroir, je lui renvoie sa propre image, de ce qu’elle pense, dit et fait, afin qu’elle prenne conscience de son mode de fonctionnement.
Je ne peux donc pas fermer les yeux sur une personne qui par peur, ne veut pas voir certaines choses et s’empêche de passer à l’action . Je la mets face à elle-même et l’invite à voir ce qui freine son avancée.
Pour toutes ces raisons j’agis dans la bienveillance, car je fais attention à cette personne, je veille à son état émotionnel, sa disponibilité à accepter certains changements.
Si je passe mon temps à écouter sans que cela résonne en la personne, sans la mettre face à elle-même alors je tombe dans la complaisance !
La complaisance tue la bienveillance ! Passer de la pommade, être toujours d’accord avec l’autre, être gentil juste pour ne pas faire de vague, en gros être dans l’hypocrisie …pour moi ce n’est pas agir dans l’intérêt de l’autre et ce n’est donc pas veiller à ce qu’elle s’épanouisse !
Pour conclure la bienveillance est essentielle au bon fonctionnement d’un tout, pour soi et pour les autres. La pratiquer sans complaisance c’est être en capacité de voir le potentiel de l’autre et l’accompagner à s’en rendre compte. Quitte à lui renvoyer sa propre image qui le dérange mais dans le respect et le non-jugement.
Alors j’espère, un monde où nous dépasserons ensemble ces ressentis négatifs face à ce terme « bienveillance » et où nous lui redonnerons sa pleine authenticité afin de l’appliquer réellement.
Pour aller plus loin :
Podcast radio France :
épisode 9/23 de la série anti-manuel de philosophie
Site culture-rh.com :
Santé mentale et entreprise : les chiffres de détresse en hausse (notamment au sein des RH)